La Sentence
Permettez-moi de vous proposer de lire le texte qui suit. C'est une fiction bien sûr. Est-il exagéré d'y percevoir une part de réalité. Si vous n'avez pas deviné, avant d'avoir achevé cette lecture, de quel romant récent ce texte est extrait vous le découvrirez en allant à la fin de ce texte.
Ci-contre les photocopies en réduction.
Attendu que le préambule de la Constitution de 1946
garantit à tous des moyens convenables d ’existence,
Attendu que cette résolution demeure en toutes
lettres dans l’actuelle Constitution,
Attendu qu’elle a néanmoins été abandonnée par
nos gouvernements successifs, de droite comme de
gauche, pendant ces trois dernières décennies,
Attendu que cet abandon a pour cause l’allégeance
de la force publique a la minorité des plus riches,
Attendu que, durant ces trente dernières années,
les avoirs de ladite minorité ont enflé a proportion
de l’accroissement vertigineux du seuil de pauvreté,
Attendu que, conséquemment, nos gouvernants
mènent une guerre ouverte aux pauvres ( qualifiés
d’« assistés ») plutôt qu’à la pauvreté ( qualifiée de
« conjoncturelle »),
Attendu que le bénévolat prend partout le relais des
missions de protection constitutionnellement dévo-
lues à l’Etat,
Attendu que, de ce fait, a l’universelle notion de
SOLIDARITÉ s’est substituée la très chrétienne,
donc subjective, donc individuelle, donc aléatoire
notion de CHARITÊ,
158
Par ces motifs, Nous,
Magistrats bénévoles,
Constitués en tribunal provisoire,
Avons procédé à l’arrestation du dénommé
Georges Lapiéta,
prédateur notoire des catégories les plus démunies,
Et Nous, Magistrats bénévoles,
Constitués en tribunal provisoire,
Informons que ledit Georges Lapiéta
ne sera remis en liberté
que contre le versement d’une rançon
de 22 807 204 euros,
somme correspondant au parachute doré touché par
ledit Lapiéta
pour la mise à pied des 8 302 salariés du groupe LAVA.
Cette rançon sera remise à M. l’abbé Courson de Loir,
autrement dénommé l‘Abbé,
Lequel Abbé en disposera au profit des orphelinats,
ateliers, centres d‘accueil, dispensaires, entrepôts,
restaurants et autres œuvres ou associations
actuellement sous sa responsabilité.
La rançon lui sera remise publiquement et
en main propre par
Messieurs Paul Ménestrier, Valentin Ritzman,
André Vercel et William J. Gonzales,
tous quatre administrateurs du groupe LAVA
La cérémonie devra se dérouler sur le parvis de la
cathédrale Notre-Dame de Paris, dimanche prochain
à la sortie de la première messe
159
Nous, Magistrats bénévoles,
Constitués en tribunal provisoire,
Condamnons en outre l'actuel gouvernement,réputé
socialiste à supporter seul le ridicule du premier
enlèvement caritatif de l'histoire de notre justice.
Charité que nous déclarons conchier
d'une même et forte voix,
En mémoire
De la Solidarité assassinée,
Et du Droit anéanti.
Pour copie conforme: Jean Le Duff
Ces deux page sont reprises du dernier roman de Daniel Pennac Le cas Malaussène dont la première partie à pour titre "Ils m'ont menti", paru aux éditions Gallimard. N'avons nous pas nous même à constater combien on nous a menti? Au profit de quels intérêts? Ils sont encore nombreux ce qui nous vante le Capitalisme comme la liberté en action."L'entrepreneur" serait le chevalier de notre temps, au profit de qui? Le Chevalier du Moyen-Âge avait pour mission de protéger les faibles mais l'aristocratie aimposé le servage. Quand on nous dit que le coût du travail est une charge avant même de reconnaître que le travail est fondamentalement le moyen de produire de la richesse que cherche-t-on à nous dire? Que le servage serait une condition idéale pour l'épanouissement et l'optimisastion du Capitalisme. Il n'est pas question de récuser l'esprit d'entreprise et d'initiative, l'investissement personnel comme source du développement du bien-être collectif dans le creuset de la solidarité. La mise en commun pour le mieux vivre de tous. Mais soyons suffisamment lucide et critique pour nous rendre compte que le drapeau brandi par la classe capitaliste de la liberté et de l'esprit d'entreprise dissimule mal un principe fondamental du capitalisme: la "Rapacité"